Prévenir les préjudices causés aux clients par la finance numérique
Les normes de gestion pour des services financiers numériques responsables
Cet article a été rédigé par Amelia Greenberg, Directrice Adjointe de Cerise+SPTF, et publié dans le cadre du Baromètre des Solutions Durables 2024 de Convergences. Le Baromètre est disponible en français ici.
Le secteur de l’inclusion financière connaît aujourd’hui une période de grandes opportunités, mais aussi de risques importants. La technologie a permis des progrès significatifs en matière d’inclusion financière et peut rendre les services financiers plus sûrs, transparents et efficaces, mais les risques sont considérables.
Il en va de même du niveau de préjudice que les clients subissent déjà du fait des services financiers numériques (SFN). Les problèmes vont de la cybercriminalité à la fraude, en passant par des mécanismes de recours inadéquats, le surendettement et le manque de transparence, pour ne citer que quelques exemples. Des recherches menées par le Consultative Group to Assist the Poor (CGAP) dans trois pays d’Afrique de l’Ouest ont montré qu’entre 68 % et 90 % des utilisateurs ont été confrontés à des risques liés à l’utilisation des SFN au cours de l’année écoulée, et que ces risques ont entraîné des pertes financières pour 16 % à 40 % des utilisateurs, selon le pays. Dans le même ordre d’idées, une étude menée par le Center for Financial Inclusion auprès de petites entreprises a révélé que « les propriétaires d’entreprises ne comprenaient pas pleinement les coûts associés à l’argent mobile, et 42 % des personnes interrogées disposant d’un compte d’argent mobile ont déclaré ne pas connaître tous les frais associés à leur compte ». Les recherches menées par Innovations for Poverty Action (IPA) sont tout aussi alarmantes. Au Kenya, par exemple, IPA a constaté que « les escroqueries par hameçonnage étaient le problème le plus courant », mais que les recours étaient peu nombreux, en partie parce que « la plupart des consommateurs ne déclarent pas avoir été victimes de ces tentatives ». En outre, l’étude de IPA a révélé « un service client médiocre et des frais imprévus » - « de nombreux consommateurs envoyant de l’argent à la mauvaise personne » - et « plusieurs préoccupations » concernant les prêts numériques et le surendettement, notamment le fait qu’une majorité d’emprunteurs aient déclaré avoir réduit leur consommation pour payer leur dette et que 77 % des clients n’aient pas remboursé un prêt.
Au cours des dernières années, Cerise+SPTF a œuvré pour trouver une réponse à la crise des préjudices causés aux clients par les services financiers numériques. C’est dans cette optique qu’ont été créées les Normes de gestion pour des Services Financiers Numériques Responsables (Normes SFN), qui constituent un ensemble de pratiques de gestion que les institutions financières de tous types peuvent mettre en œuvre afin d’atténuer les risques de préjudice pour les clients et de promouvoir les avantages pour ces derniers. Les Normes SFN s’appuient sur les Normes Universelles de Gestion de la Performance Sociale et Environnementale, en adaptant les indicateurs existants au contexte numérique, puis en ajoutant de nouveaux indicateurs pour traiter les risques spécifiques à la finance numérique.
L’élaboration des Normes SFN est le fruit d’un processus collaboratif, précis et fondé sur les expériences de terrain. Cerise+SPTF a commencé par examiner les lignes directrices et principes existants pour une offre responsable de services numériques. Ceux-ci ont fourni un cadre utile pour classer les pratiques de gestion spécifiques que les Normes SFN recommanderaient en fin de compte. Ensuite, l’équipe a interrogé une cinquantaine d’experts du monde entier, issus de divers groupes de parties prenantes, afin de comprendre ce qui fonctionnait ou non jusqu’à présent. Dès lors, Cerise+SPTF a pu dresser une liste exhaustive des pratiques de gestion recommandées par les experts, les a regroupées par thème et a lancé un groupe de travail pour examiner ces idées avec toute la communauté de l’inclusion financière.
Après environ neuf mois de débats au sein du groupe de travail, Cerise+SPTF a synthétisé un ensemble de pratiques de gestion recommandées en un outil d’évaluation et a lancé un projet pilote. Ce dernier a impliqué 28 institutions financières différentes, dont 7 exclusivement numériques et les 21 autres offrant à la fois des services financiers traditionnels et numériques. Le groupe était diversifié en termes de géographie, de taille, de méthodologies et de types de produits. Chacune des institutions pilotes a travaillé avec un évaluateur externe afin d’évaluer son niveau de mise en œuvre de la version pilote des Normes SFN. Toutes les institutions ont également participé à un entretien de clôture afin de fournir un retour d’information sur les indicateurs qui étaient pertinents ou non pour elles, et d’expliquer comment elles mettent en œuvre les bonnes pratiques au sein de leurs institutions respectives. Enfin, la direction de Cerise+SPTF a formé un comité de révision des normes pour analyser les résultats du projet pilote et réviser les Normes SFN en conséquence.
L’outil d’évaluation des Normes SFN est un bien public gratuit dont l’objectif est de promouvoir une finance numérique plus responsable et plus inclusive. L’outil est actuellement disponible en anglais, français et espagnol et est structuré en cinq dimensions, couvrant la stratégie, la gouvernance, la conception des produits, la protection client et les ressources humaines. Avec ses 184 indicateurs évalués, il s’agit d’une ressource complète qui permet à la fois de mieux identifier les bonnes pratiques et de fournir aux institutions financières des informations exploitables sur leurs points forts et leurs points faibles.
- Par exemple, dans le domaine de l’atténuation de la fraude, les Normes SFN identifient les pratiques de gestion liées à la définition d’une stratégie, à l’information sur les types de fraude les plus courants, à la mise en place de stratégies d’atténuation du risque de fraude et à la fourniture d’une assistance aux clients victimes de fraude.
- Le traitement des plaintes constitue un deuxième exemple. Les études montrent en effet que de nombreux clients n’utilisent pas les mécanismes de réclamation existants pour des raisons diverses comme le coût, la méfiance, l’inaccessibilité des canaux, le manque de sensibilisation et le fait que les clients adressent leurs réclamations à des agents plutôt qu’au prestataire de services financiers. En outre, les partenariats, si fréquents dans le cadre des services financiers numériques, créent souvent un vide en matière de responsabilité, les clients ne sachant pas à qui s’adresser pour se plaindre et chaque partenaire rejetant sur l’autre la responsabilité d’un éventuel problème. Les Normes SFN sur le traitement des plaintes vont alors au-delà de la simple mise en place d’un mécanisme, mais garantissent l’accessibilité, la connaissance et l’utilisation des canaux à tous. Par ailleurs, ces normes permettent aux clients de faire remonter une plainte s’ils ne sont pas satisfaits de la solution initiale proposée et garantissent que les institutions financières aident les clients même lorsque la plainte concerne des services fournis par un partenaire externe. Enfin, grâce à ces normes, l’institution analyse si certains segments de clientèle n’utilisent pas le mécanisme de plainte et mène des actions de sensibilisation auprès de ces segments pour cerner leurs besoins et leurs difficultés.
La mise en œuvre des Normes SFN est essentielle pour réduire les risques pour les clients et permettre aux services financiers numérique de réaliser leur potentiel, pour une finance plus juste, responsable, inclusive et sûre pour les clients. Si vous avez des questions ou si vous souhaitez vous former aux Normes SFN et améliorer vos pratiques, contactez-nous sur : info@sptfnetwork.org
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